Philippe Clay s'est fait la malle
Un touche-à-tout de talent qui s'en va...
Philippe Clay ne doit pas seulement rester dans la postérité culturelle pour avoir composer la complainte des Apaches, générique des fameuses brigades du Tigre Clémenceau. Même si pour autant la mélodie est plus que plaisante et semble nous faire défiler des épisodes entier dans nos têtes.
Dans ses chansons, il y a des grands compositeurs (Boris Vian, Serge Gainsbourg, Claude Nougaro, Jean-Roger Caussimon...),une odeur de temps qui passe, des airs d'un Paris populaire révolu....
Mais qu'on ne s'y trompe pas, il existe davantage de classe que de gouaille dans le phrasé de la voix puissante de Philippe Clay. Quelque chose de fort se dégage de ses interprétations où le chanteur donne souvent tout ce qu'il a au fond des tripes. La plus célèbre reste Mes universités avec un million d'exemplaires vendus. La chanson est à l'opposé des années post-68 : on le soupçonne d'être réactionnaire.
Mes universités,
C'était pas Jussieu, c'était pas Censier, c'était pas Nanterre
Mes universités
C'était le pavé, le pavé d'Paris, le Paris d'la guerre
On parlait peu d'marxisme
Encore moins d'maoïsme
Le seul système, c'était le système D
D comme débrouille-toi
D comme démerde-toi...
Comme il le rappelait lui-même, la chanson a été "politisée" : "Mes universités, c'est une chanson autobiographique. A 15 et demi, je suis parti me battre précisément contre le fasisme". Car dans les années 70, retournement ou oubli de l'Histoire, être de droite, c'est être un fasciste....
Philippe Clay est classé à droite, à juste titre : il s'engage au RPR et on le voit fréquemment prendre la parole publiquement à la télévision et dans les meetings du parti. Comme en 1988, lors d'un rassemblement à la Concorde où il appelle à voter Jacques Chirac pour les présidentielles (voir photo).
Alors que Libération concacre six lignes à la nouvelle de son décès, faisant ainsi le service nécrologique minimum, Le Figaro consacre un article entier bien évidemment flatteur, soulignant son courage à ne pas être politiquement correct : "Devenu symbole d'une certaine manière de parler de son époque, il compte parmi les rares artistes de variétés à s'engager au RPR pour y défendre sa vision de la culture française" (Le Figaro du 14/12/07).
A côté de cet engagement qui l'a certainement coupé d'une partie de l'intelligentsia française, sa carrière est multi-forme et émaillée d'un tas de succès dans de nombreux domaines.
A la chanson, où il entre grâce à un radio-crochet (sorte de Star Académie de l'époque), il connait son premier tube en 1953 grâce à Charles Aznavour qui lui écrit Le noyé assassiné. Parmi les chansons qui resteront pour longtemps : Le danseur de Charleston, Les voyous, La quarantaine (chanson où il milite pour les hommes de quarante ans passés, invoquant avec plaisir, les personnages de l'Histoire : Hugo, Rousseau, JFK...), Bleu...Blanc...Rouge..., un duo avec Gainsbourg L'accordéon, La gamberge (paroles de Jean Yanne), et bien d'autres reprises du répertoire de Vian, Montand, Lemarque...
Au cinéma, il fait sa première apparition dans French Cancan de Jean Renoir où il cotoie parmi le casting impressionnant Jean Gabin. Il tournera aussi dans Notre-Dame de Paris (1956) au côté d'Anthony Quinn et Gina Lollobrigida. Ou encore dans le mythique deux heures moins le quart avant J.-C. (1982)...
Mais c'est le théâtre qui aura eu ses faveurs. Il fera sa dernière appartion dans la pièce L'escale de l'autrichien Paul Hengge au théâtre La Bruyère de Paris. Auparavant, Jean-Luc Tardieu le mettra en scène de nombreuses fois (L'Aiglon, La Veuve Joyeuse... et enfinVisites à Mister Green en 2001). Par la suite, Jean-Claude Brialy le dirigera dans la pièce de Bourget, Le sexe faible. La télévision n'est pas en reste : il apparait d'ailleurs dans le téléfilm La commune sur Canal+ actuellement.
La ministre de la Culture, Christine Albanel, dans un exercice imposé, a écrit dans un communiqué : "C’était un de ces artistes à contre–courant, un de ces hommes de qualité que les engouements, les caprices de la mode ne peuvent pas vraiment atteindre. Jusqu’à ces derniers mois, il l’exprimait encore avec talent et conviction au cinéma et au théâtre".
Comment ne pas acquiescer à ces mots.