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Politicobs - Le blog de Monsieur Julien - Rouen
10 février 2010

Benjamin Franklin et Rouen

declaration_independance_constitution_americaineSignataire de la Déclaration d'Indépendance des Treize colonies en 1776, Benjamin Franklin est un "Père fondateur des Etats-Unis" aux multiples talents, politiques, diplomatiques, scientifiques, philanthropiques.... Rien ne le destinait pourtant.

Se sauvant de chez lui pour échapper à un père qui le destinait à reprendre l'atelier de bougies et de savons, Benjamin Franklin devient à Philadelphie imprimeur puis fondateur d'un journal, d'une bibliothèque publique, d'un hôpital, d'une université...rien que ça. Initié très tôt à la franc-maçonnerie, il se lance parallèlement dans la politique au service de la Pennsylvanie. Comme la nature et Benjamin Franklin ont horreur du vide, il mène des travaux scientifiques importants sur l'électricité et particulièrement sur la foudre : l'invention du paratonnerre, parmi tant d'autres inventions, le consacrera bienfaiteur de l'humanité sur le Vieux Continent. Grâce à sa renommée qui fait de lui un diplomate hors pair, il obtient de la France une alliance contre l'Angleterre puis devient le négociateur du traité de paix de 1783 et participe, ses quatre-vingts ans passés, à la rédaction de la Constitution américaine de 1787.

Retour au texte...

En 1785, le plénipotentiaire américain est usé par l'âge et la maladie. Ainsi, lorsqu'il décide de rejoindre les Etats-Unis, nombreux sont ceux qui lui témoignent leur estime et veulent le récompenser pour ses bienfaits de fin diplomate en Europe. La reine de France Marie-Antoinette va jusqu'à lui céder une litière pour que le vénérable homme se transporte le plus confortablement du monde jusqu'au Havre où un bateau l'attend pour l'Angleterre d'abord et Philadelphie ensuite. Entouré benjamin_franklind'amis et de sa famille, prenant la route qui va de Paris à Rouen, Benjamin Franklin s'arrête à Gaillon pour admirer le château Renaissance (propriété des évêques de Rouen depuis que Saint Louis a offert les terres à l'évêque Eudes Rigaud ) et par là même rendre visite au cardinal-archevêque de Rouen Dominique de la Rochefoucauld. La suite, c'est Benjamin Franklin qui la raconte lui-même dans son Autobiographie.      


Après avoir passé en France près de huit ans et demi, j'ai pris congé de la cour et de mes amis, et suis parti de Passy avec mes deux petits-fils, le 12 juillet 1785, à quatre heures après midi, pour retourner dans ma patrie. Nous sommes arrivés vers huit heures à Saint-Germain. M. de Chaumontavec sa fille Sophie nous ont accompagnés jusqu'à Nanterre. M. Le Veillard doit venir avec nous jusqu'au Havre. Nous avous trouvé à Saint-Germain les miss Alexander, avec mistress Williams notre cousine, qui avait retenu un logement pour moi chez M. Benoît. J'ai trouvé que le mouvement de la litière que le duc de Coigny m'avait prêtée ne m'incommodait pas beaucoup. C'est une des litières de la reine, traînée par deux fort belles mules, avec une autre pour le muletier. M. Le Veillard et mes enfants sont dans une voiture. Nous prenons le thé chez M. Benoît, et nous allons nous coucher de bonne heure.

Mercredi 13 juillet. Déjeuner avec nos amis ; nous prenons congé d'eux, et continuons notre voyage. Nous dînons dans une bonne auberge, à Meulan, et arrivons dans la soirée à Mantes. Un exprès du cardinal de La Rochefoucauld vient nous y trouver avec une invitation pour nous arrêter le lendemain chez lui à Gaillon. Il nous mandait qu'il n'accepterait aucune excuse, et qu'étant tout puissant dans son archevêché, il nous ferait amener chez lui bon gré mal gré, et ne souffrirait pas que nous logeassions ailleurs. Nous acceptons. Nous couchons à Mantes. Je me suis trouvé peu fatigué de la journée , les mules n'allant qu'au pas.

Jeudi 14 juillet. Nous partons de bonne heure et déjeunons à Vernon. J'y ai recu la visite du comte et de la comtesse de Tilly. Nous sommes arrivés chez le cardinal à six heures du soir, sans avoir diné : c'est un superbe château, bâti il y a environ trois cent cinquante ans, mais bien conservé. Il est situé sur une hauteur ; la vue y est belle et domine au loin sur un pays bien cultivé. Le cardinal est archevêque de Rouen. Une longue galerie contient les portraits de tous ses prédécesseurs. La chapelle est élégante, dans le vieux style, avec des vitraux fort bien peints. La terrasse est magnifique. Nous avons soupé de bonne heure et avons été parfaitement traités. On nous a engagés à nous coucher de bonne heure puisque notre intention était de partir le lendemain de grand matin. Le cardinal nous a pressés de passer encore un jour avec lui, et nous a offert de nous donner le plaisir de la chasse dans son parc ; mais la nécessité d'arriver à temps au Havre ne nous a pas permis d'accepter. Nous lui avons donc fait nos adieux et nous sommes retirés. Le cardinal est aimé et respecté par le peuple de ces environs, et gaillonjouit, sous tous les rapports, de la meilleure réputation.

Vendredi 15 juillet. Nous sommes partis à cinq heures du matin, avons voyagé jusqu'à dix, et nous arrêtant alors pour déjeuner,nous sommes restés dans l'auberge pendant la chaleur du jour. Nous avions appris chez le cardinal que notre ami M. Holker, de Rouen , avait été ce jour-là jusqu'à Port SainlAntoine à notre rencontre. Il nous attendait d'après une lettre de M. de Chaumont. Nous avons trouvé ici un de ses domestiques qu'il avait envoyé pour s'informer s'il ne nous était pas arrivé quelque accident sur la route, avec ordre de marcher jusqu'à ce qu'il eût de nos nouvelles. Il a sur-lechamp rebroussé chemin, et nous avons continué notre route. Nous avons traversé une chaîne de montagnes de craie, très hautes, avec des couches de cailloux. Les fragments énormes de ces montagnes , que l'eau paraît avoir emportés, ont laissé des cavités de plus de trois cents pieds, ce qui indique une grande antiquité. Il semble que ces endroits ont été battus par la mer. Nous sommes arrivés à Rouen vers cinq heures, et nous avons reçu l'accueil lé plus cordial de M. et de madame Holker. Il y avait beaucoup de monde au souper qui était notre dîner. Le premier président du parlement et son épouse nous ont invités à dîner pour le lendemain ; mais étant déjà engagés par M. Holker, nous promimes d'aller prendre le thé. Nous avons tous logé chez M. Holker.

Samedi 16 juillet. Une députation de l'académie de Rouen est venu me faire ses compliments en cérémonie , et l'un des directeurs m'a fait présent d'un carré magique, où il m'a dit, je crois, qu'était mon nom. Mais l'ayant examiné ensuite , je n'y ai rien compris. Le fils du duc de Chabot, qui a récemment épousé une Montmorency, et colonel d'un régiment en garnison à Rouen, s'est trouvé présent à la réception, comme lui-même venait me faire visite. J'ai oublié de dire que j'avais vu avec plaisir dans le cabinet du cardinal le portrait de l'aïeule de ce jeune homme, madame la duchesse d'Anville , qui avait toujours été notre amie , et qui nous avait comblés de politesses à Paris. C'est une dame d'un esprit et d'un mérite peu communs. J'ai aussi recu en cadeau du docteur *** trois volumes in-4°, avec une lettre polie à laquelle j'ai répondu.

Nous avons eu grande compagnie à diner ; et à six heures je suis allé en chaise à porteur chez le président, où nous avons benjamin_franklintrouvé une réunion de gens de robe. Nous y avons pris du thé, fort mal fait, faute d'usage, cette boisson étant fort peu en usage en France. Je suis allé me coucher de bonne heure ; mais ma compagnie est restée à souper. Beaucoup de convives étaient invités et l'on a fait d'excellente musique.

Dimanche 17 juillet. Nous partons de bonne heure. M. Holker nous a accompagnés quelques milles, et nous nous sommes fait très affectueusement nos adieux. Dîner à Yvetot, ville assez grande. Nous sommes arrivés à Bolbec , après la plus forte journée que nous ayons faite encore. C'est une ville de marché , considérable, et qui semble peuplée. Le peuple y est bien vêtu et paraît mieux nourri que celui des pays vignobles. Un imprimeur sur toiles m'a proposé de se rendre en Amérique. Je ne l'y ai point encouragé.

Lundi 18 juillet. Nous avons quitté Bolbec à dix heures et sommes arrivés au Havre à cinq heures après-midi, après avoir posé en route dans une méchante auberge. Nous avons été parfaitement reçus par M. et Mad. Ruellan. Le gouverneur et quelques autres personnes nous ont fait une visite.

Mardi 19 juillet. Nous recevons des visites en forme de l'intendant, du gouverneur ou commandant, des officiers des régiments de Poitou et de Picardie, du corps des ingénieurs, et de M. Limosin. M. Limosin nous propose plusieurs navires, tous très chers. Nous attendons le paquebot de Southampton. Dîner chez M. Ruellan où nous logeons. Je reçois l'affiliation de la loge de Rouen.

Mercredi 20 juillet. Je rends les visites. J'en recois une du corps de marine, et une du corps d'artillerie. Le paquebot arrive. Le capitaine Jennings vient nous voir , et nous convenons de notre transport à Cowes avec tout notre bagage, pour dix guinées. Nous fixons notre départ à demain soir.

Jeudi 21 juillet. Autre visite du commandant, M. de Villeneuve, qui nous invite à dîner. Devant partir ce soir nous ne pouvons pas accepter cet honneur. Nous faisons un dîner d'amis avec notre hôte et notre hôtesse. Visites à M. Le Veillard, de Mad. Peinès, Mad. de Clerval, et de quelques autres personnes. Le soir, à l'instant où nous comptions nous embarquer, le capitaine vint nous dire que le vent était absolument contraire, et si violent qu'il était impossible d'y résister. Nous remettons notre départ à demain.

NB : correction à venir...

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Commentaires
S
ce très intéressant article. Les "pères fondateurs" des USA étaient des gens de grande qualité. Les Français se sont inspirés des EU lors de la Révolution de 1789, notamment de la Déclaration américaine des Droits de 1776 pour leur propre déclaration d'août 1789. Mais comme les Américains s'étaient eux-mêmes inspirés de la philosophie politique anglaise (Locke) et française (Montesquieu), il y a vraiment eu des influences croisées et aussi d'ailleurs des spécificités fortes (peu de partisans du fédéralisme en France, par ex).<br /> <br /> Tout ce récit du trajet de B Franklin est savoureux. On devine un homme très ouvert aux autres. Quant aux conditions de voyage : dépaysantes pour les adeptes du TER ou de l'A 13 que nous sommes !
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F
Si un de ces 4 vous cherchez des infos sur Arsene Lupin... j'espère que vous découvrirez des texte inédit de Maurice Leblanc qui est l'un de mes auteurs préférés.
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M
C'est en passant devant l'école "Franklin" que je me suis dit qu'il fallait creuser un peu par là...et voilà ce que j'ai trouvé !<br /> <br /> Je suis toujours friand de ce genre de découvertes. <br /> <br /> Bon courage pour les futures échéances électorales ! ;-)
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L
Merci Julien de ce texte savoureux que je ne connaissais pas !"Nous avons traversé une chaîne de montagnes de craie, très hautes, avec des couches de cailloux. Les fragments énormes de ces montagnes , que l'eau paraît avoir emportés, ont laissé des cavités de plus de trois cents pieds, ce qui indique une grande antiquité." : Excellent ! :-)
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